Air France : Anne-Marie Couderc est remplacée par Ben Smith

photo François Robardet, ex-Représentant des salariés, Air France-KLM I Lettre de François Robardet

À la pointe d'une aviation européenne plus responsable, nous rapprochons les peuples pour construire le monde de demain.
(Raison d'être du groupe Air France-KLM)
 

à destination des salariés et anciens salariés

PS et PNC actionnaires d'Air France-KLM

N°982, 16 septembre 2024
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La Revue de Presse du lundi

> Air France : Anne-Marie Couderc est remplacée par Ben Smith

(source TourMaG) 12 septembre 2024 - C'est un départ et une succession qui avaient fait beaucoup parler, en juillet 2022.
 
Atteinte par la limite d'âge, Anne-Marie Couderc devait obligatoirement laisser sa place de Présidente du Conseil d’administration d'Air France-KLM.
 
Un départ attendu qui a finalement été repoussé, par une modification des statuts.
 
L'ancien ministre de l'Emploi sous la présidence de Jacques Chirac avait vu son mandat renouvelé d’une année, jusqu’à l’Assemblée générale de 2025. Ce n'a pas été le cas pour la fonction de présidente du conseil d’administration... d'Air France.
 
En effet, nous venons d'apprendre la nomination de M. Benjamin Smith, en qualité de président du conseil d’administration, d'Air France en remplacement de Mme Anne-Marie Couderc.
 
La prise de fonction a été actée le 8 juillet 2024.
 
"Le Conseil d’Administration d’Air France réuni le lundi 8 juillet 2024 a décidé de nommer Benjamin Smith en tant que Président non exécutif du Groupe Air France à compter de ce jour.
 
Benjamin Smith était administrateur d’Air France depuis son arrivée au sein du Groupe Air France-KLM en 2018. Cette décision vise à simplifier la gouvernance du Groupe," précise la compagnie.
 
Le Canadien cumule donc le rôle de directeur général Air France-KLM et de président du conseil d’administration... d'Air France.
 
"Ce poste est non exécutif. Anne Rigail reste directrice générale d'Air France.
 
Cette décision correspond à une situation effective, puisque Benjamin Smith est déjà impliqué dans la définition du développement de l'entreprise. Ce genre d'organigramme se retrouve souvent dans de grands groupes internationaux, il n'y a rien d'exceptionnel," nous précise-t-on.
 
Avec cette double casquette, le dirigeant exécute la stratégie décidée par le directoire au niveau du groupe, puis il sera chargé d'élaborer celle de la compagnie nationale.
 
Ce changement n'interfère en rien avec l'arrivée prochaine de Florence Parly.
 
L'ancienne ministre des Armées remplacera alors Anne-Marie Couderc au niveau du groupe, à en croire nos confrères du Monde.
 
En juin dernier, ils avançaient que la nomination de Florence Parly était prévue pour l'AG de 2025. Entre temps, elle a été nommée administratrice indépendante, en remplacement d’Isabelle Parize.
(...) 

Mon commentaire : Tout d'abord une précision : il est ici question de la succession d'Anne-Marie Couderc à la tête d'Air France, pas à la tête d'Air France-KLM.

Au sein d'Air France, Anne-Marie Couderc était présidente tandis que la Directrice générale était et reste Anne Rigail.

==== source les Échos
Quelle différence entre les deux postes ?

Le président d'une entreprise préside le conseil d'administration qui rassemble les administrateurs, eux-mêmes nommés par l'assemblée générale des actionnaires. Il supervise les grandes orientations décidées par la direction de l'entreprise, mais n'a pas de pouvoir exécutif. Selon le Code du commerce, « le président du conseil d'administration organise et dirige les travaux de celui-ci, dont il rend compte à l'assemblée générale. Il veille au bon fonctionnement des organes de la société et s'assure, en particulier, que les administrateurs sont en mesure de remplir leur mission. »

La direction générale, elle, gère l'entreprise au quotidien. « Le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Il exerce ces pouvoirs dans la limite de l'objet social et sous réserve de ceux que la loi attribue expressément aux assemblées d'actionnaires et au conseil d'administration », note le Code du commerce. C'est lui qui a un pouvoir de représentation vis-à-vis des tiers et est souvent assisté par un comité exécutif (Comex) rassemblant les différents directeurs de l'entreprise.
==== fin de citation

Le poste de Président n'a rien d'honorifique. Il veille à ce que les intérêts des actionnaires et des parties prenantes soient préservés.

Son importance varie selon les entreprises. Il est clair que présider Air France est une charge moins lourde que présider Air France-KLM. J'ai déjà eu l'occasion de l'évoquer dans ma lettre n°978 : la gestion des égos et des luttes de pouvoir au sein d'Air France-KLM a requis un investissement quotidien de la part de sa présidente.

Le changement intervenu au sein d'Air France ne devrait pas modifier fondamentalement son fonctionnement ni sa stratégie.

> Accessibilité dans les aéroports : à Paris, l’accueil des athlètes paralympiques change durablement la donne

(source Libération ) 9 septembre 2024 - (...) Ce lundi 9 septembre, pas moins de 5 500 membres des différentes délégations sont attendus dans les différents terminaux de Roissy. 800 d’entre eux se déplacent en fauteuils roulants, mécaniques ou électriques. Aéroports de Paris (ADP) et Air France, le principal transporteur, se préparent à les accueillir depuis plusieurs mois. À l’identique des athlètes des Jeux olympiques, leurs bagages ont été enregistrés à l’avance et stockés sous d’immenses barnums édifiés de manière temporaire le temps de l’événement.

Nombre de participants sont venus à Paris avec deux fauteuils : celui dédié à la compétition et celui utilisé pour leurs déplacements courants. Le premier est enregistré à l’avance. Le second les suivra jusqu’à la porte de l’avion et les attendra au même endroit après l’atterrissage.
 
À première vue, une organisation normale, de manière à fluidifier le voyage. En réalité, c’est une première pour Aéroports de Paris et Air France. Matthias Gaytte, responsable des parcours et process pour les personnes à mobilité réduite au sein d’ADP, a travaillé sur une série d’innovations qui ont vocation à demeurer après les Jeux paralympiques. Comme ces six salles de change, réparties dans les trois terminaux de l’aéroport, qui disposent d’une table et d’un lavabo à hauteur réglable, d’un arceau pour se lever, et de toilettes spécialement conçues pour accueillir une personne en fauteuil roulant. Ainsi, tout voyageur au départ, à l’arrivée ou en transit à Roissy peut se rendre seul ou avec un accompagnant dans cet espace et se rafraîchir ou changer de vêtements. «Nous voulons permettre à toute personne de se préparer au voyage en toute dignité», indique le responsable. Chacune de ces salles de change représente un investissement de 230.000 euros. L’aéroport d’Orly en compte également deux.
 
La plupart du temps, les passagers accèdent à l’avion via une passerelle mobile (un satellite) arrimé à même l’aérogare. Il arrive néanmoins que, pour des questions d’encombrement des parkings, les avions soient stationnés «au large», c’est-à-dire loin de la salle d’embarquement. Dans ce cas de figure, le passager en fauteuil est amené directement à la porte de l’avion grâce à un véhicule spécial : l’ambulift. Il est équipé d’une plateforme élévatrice qui permet de hisser le fauteuil et son occupant jusqu’à l’avion, afin de rendre plus fluide la montée à bord.
 
Ezechiel Casco, un tennisman, qualifie les conditions de son voyage aller de Buenos Aires à Paris de «perfecto» et supérieur à nombre de ses déplacements pour disputer des compétitions. Alors que l’heure de l’embarquement approche, la délégation de 120 athlètes passe le dernier contrôle avant l’accès à l’avion. À la porte du Boeing 787, une équipe d’assistance transfère les passagers sur un fauteuil dont les dimensions sont adaptées à la taille des couloirs de l’avion. Ils pourront ainsi gagner leur siège. Pendant ce temps, d’autres agents redescendent, par ascenseur, les fauteuils au pied de l’appareil, pour les installer dans un container avant la mise en soute. L’opération est bien moins simple qu’il n’y paraît. Chaque fauteuil est estampillé d’une étiquette rose sur laquelle figurent les spécificités techniques et les précautions à prendre pour le manipuler sans l’endommager. Ceux qui sont équipés de batterie au lithium doivent en être débarrassés et mis en cabine afin d’éviter les risques non détectés d’incendie. Toutes ces opérations sont menées avec un œil rivé sur le chronomètre. L’installation des fauteuils dans un container à bagage spécial et leur arrimage avec de solides cordages nécessite, sur la piste, le travail de trois ou quatre personnes. Enfin, pour être déchargés en premier, ils doivent être mis en soute en dernier
 
Cette organisation mise en place pour les Jeux paralympiques est destinée à durer sur les vols d’Air France

«Ce service sera proposé progressivement à tous les passagers en fauteuil roulant qui demandent une assistance» précise Florence Estra directrice Paris 2024 pour la compagnie nationale. un engagement de ce type implique la coopération de nombre d’entités. Air France reçoit les réservations avec les demandes particulières des passagers à mobilité réduite. C’est ensuite un prestataire de services qui prend en charge le voyageur dès son arrivée à l’aéroport. La mise en soute du fauteuil nécessite qu’un autre prestataire, celui chargé de la gestion de l’avion sur le tarmac soit prévenu et l’intègre dans un planning.

Chaque année, Air France reçoit 600.000 demandes d’assistance spéciale, en progression de 10 à 20 % ces dernières années
. La mise à disposition des fauteuils roulants à la sortie de l’avion se fera sans supplément de prix, comme toute l’assistance des passagers en situation de handicap.
 
Pour l’avenir, Matthias Gaytte, le responsable du parcours pour les personnes à mobilité réduite, imagine des fauteuils qui se déplacent de manière autonome dans l’aéroport grâce à des capteurs. Aujourd’hui, un passager est pris en charge par un agent depuis son arrivée, jusqu’à la salle d’embarquement selon un parcours le plus rapide possible. Les jours de rush, l’attente peut être longue faute d’agents dédiés disponibles. Un fauteuil autonome aura le double avantage de mobiliser moins de ressources humaines et de permettre une plus grande liberté de déplacement dans l’aérogare comme la possibilité de s’arrêter dans un point de restauration ou de faire du shopping dans les boutiques détaxées, ce qui n’est guère possible aujourd’hui. Sauf à l’aéroport Narita de Tokyo, pionnier en matière de déplacement autonome des fauteuils roulants et terrain d’observation de choix pour Roissy-Charles-de-Gaulle.

Mon commentaire : Air France renforce son engagement pour faciliter l'accès des personnes à mobilité réduite.

Les nouvelles technologies permettront à la fois un degré d’investissement maitrisé et d'améliorer les performances opérationnelles au sol.

> EasyJet annonce la fermeture surprise de sa base de Toulouse

(source Les Échos) 10 septembre 2024 - C'est un coup de tonnerre dans le ciel de Toulouse. Après douze ans de présence, easyJet a l'intention de fermer sa base permanente à l'aéroport de Toulouse-Blagnac. L'annonce a été faite ce mardi lors d'un comité social et économique consacré à la « réorganisation » de la structure d'easyJet en France. La fermeture de la base de Toulouse, qui compte 125 salariés et deux avions à demeure, devrait intervenir à l'issue de la saison d'hiver, fin mars.
 
EasyJet prend soin de préciser que cette fermeture n'entraînera pas celle de toutes les lignes opérées sur Toulouse, au nombre d'une vingtaine actuellement et qui totalisaient près de 2 millions de passagers en 2023. Un certain nombre de dessertes seront préservées, dont probablement la desserte de Paris-Orly, en passe d'être abandonnée par Air France. Cependant, l'absence d'avion et d'équipage basés entraînera nécessairement une suppression des vols au départ de Toulouse en tout début et fin de journée.
 
EasyJet souligne également que cette fermeture devrait pouvoir s'opérer sans départ contraint et sans réduction de l'offre au niveau français. Les 125 salariés basés à Toulouse se verront proposer un transfert sur l'une des six autres bases d'easyJet en France. Quant aux deux appareils basés à Toulouse, ils seront réaffectés à une autre base française.
 
Le plan de réorganisation prévoit aussi le transfert d'un avion de Roissy à Orly et un plan de départs volontaires pour le personnel de cabine de trois des bases françaises d'easyJet.
 
Au regard des quelque 1.800 salariés d'easyJet en France et des quelque 250 lignes opérées par la compagnie au départ des aéroports français, pour plus de 20 millions de passagers en 2023, cette restructuration n'a donc rien de catastrophique. Elle confirme néanmoins le déclin relatif du trafic aérien sur les grandes lignes intérieures entre Paris et les métropoles régionales, déjà illustré par la décision d'Air France de fermer ses lignes « navette » au départ d'Orly d'ici à l'été 2026, où elle sera partiellement remplacée par Transavia.
 
Comme d'autres grandes métropoles régionales, Toulouse n'a pas retrouvé son niveau de trafic d'avant-Covid, du fait notamment d'une baisse marquée des déplacements professionnels, sous l'effet conjugué des politiques environnementales des entreprises, de la concurrence du TGV, de la réduction des coûts et du développement de la visioconférence. Début 2024, le trafic domestique n'était revenu qu'à 70 % du niveau de 2019.
 
Cependant, ce déclin des grandes « radiales » est plus que compensé, au niveau national, par le développement du trafic intra-européen et transméditerranéen. C'est également le cas pour Toulouse, où le trafic international, en hausse de 27 % en 2023, a dépassé le domestique. Et c'est également vrai pour easyJet, qui a ouvert 36 nouvelles lignes en France cette année et qui prévoit de poursuivre sa croissance en France, avec 5 % d'offre supplémentaire, cet hiver.
 
Par ailleurs, les arbitrages entre les bases européennes ne se limitent évidemment pas au seul marché français. Outre la fermeture de Toulouse, easyJet a également annoncé la fermeture prochaine de sa base de Venise, dans l'idée de mieux utiliser ses avions ailleurs en Italie. La compagnie espère en effet récupérer des créneaux horaires à l'aéroport de Milan-Linate et à Rome-Fiumicino, dans le cadre des concessions prévues par Lufthansa pour le rachat d'ITA Airways.

Mon commentaire : Lorsqu'une compagnie aérienne ouvre une base dans un aéroport, elle y stationne (la nuit) une partie de ses avions et y affecte son personnel. Cette stratégie poursuit deux objectifs principaux :

- Diminuer ses coûts, en affectant du personnel navigant habitant sur place, supprimant ainsi les frais d'hébergement.

- Assurer l'exploitation des premiers et derniers vols de la journée, afin de capter une clientèle d'affaires effectuant un aller-retour dans la même journée, générant ainsi des recettes substantielles compte tenu des tarifs appliqués.

Cependant, le comportement de la clientèle d'affaires a été profondément modifié à la suite de l'épidémie de COVID-19. Les aller-retour dans la même journée ont fortement diminué. Cette évolution représente un manque à gagner considérable, qui remet en question l'utilité d'une base.

Le positionnement d’easyJet, oscillant entre un service à bas coûts et une offre adaptée à la clientèle d'affaires, devient problématique.

Cette situation incite easyJet à repenser sa stratégie. Malgré un bénéfice avant impôt de 280 millions d'euros au troisième trimestre comptable (clôturé fin juin), la compagnie ne bénéficie pas d’un environnement favorable. Elle fait notamment face à la surcapacité en Europe et à une baisse de recette unitaire.

Il conviendra de suivre de près les résultats financiers de la compagnie : si ceux-ci venaient à se détériorer, easyJet pourrait être contrainte de s'adosser à une compagnie majeure, à l'instar de Volotea.

Je ne résiste pas à la tentation de citer mon commentaire de janvier 2023 (lettre n°896) :
==== début de citation
Le patron de Ryanair redistribue les cartes du transport aérien européen.

Au-delà de savoir qui (ITA Airways, Wizz Air, TAP Air Portugal, Air Europa, easyJet) ira chez quel grand (Lufthansa, IAG, Air France-KLM), le point le plus surprenant est qu'il envisage qu'easyJet pourrait se rapprocher de plusieurs majors européennes.

C'est effectivement possible car EasyJet est aujourd'hui un groupe composé principalement de trois compagnies aériennes :

. EasyJet Airline Company PLC qui a son siège à Luton, en Grande-Bretagne. Elle dispose de 155 avions.
. EasyJet Switzerland qui a son siège à Genève. Elle dispose de 29 avions.
. EasyJet Europe qui a son siège à Vienne, en Autriche. Elle dispose de 119 avions.

EasyJet avait créé EasyJet Europe en 2017 pour continuer à bénéficier des avantages liés à la libre circulation entre les pays de l'Union Européenne malgré le Brexit.

Si comme le suggère M O'Leary easyJet devait être absorbée par British Airways et par Air France, EasyJet Airline Company rejoindrait British Airways et EasyJet Europe rejoindrait Air France.

Une hypothèse que n'ont jamais évoquée ni British Airways, ni Air France.
==== fin de citation

> Carburants d'avions : le pari risqué de l'Europe

(source Les Échos) 12 septembre 2024 - Cherchez l'erreur. Imaginez un marché promis à un gigantesque boom à long terme et sur lequel les producteurs, pourtant, montrent des signes de fébrilité, allant jusqu'à annuler certains investissements. Telle est l'étrange équation autour des carburants durables d'aviation, plus connus sous leur nom anglais de SAF (pour « sustainable aviation fuels »). Un paradoxe qui en dit long sur l'ampleur du défi que l'Europe s'est mise en tête de relever pour décarboner l'aviation à l'horizon 2050.
(...) 
En début d'été, BP a jeté un froid en annonçant la suspension de deux nouveaux projets de sites de biocarburants en Allemagne et aux États-Unis. Quelques jours plus tard, Shell renonçait à la construction d'un gigantesque site de production aux Pays-Bas - plus de 800.000 tonnes de biodiesel et de SAF devaient y être produits.
(...)
Pas de doute : la rentabilité des SAF, pour leurs producteurs, ne saute pas encore aux yeux, alors même que les technologies du futur demeurent hypothétiques.
 
Se pose aussi le problème des ressources. Sur ce marché, l'accès à la matière première est primordial. Les premiers arrivants, comme le finlandais Neste qui demeure le premier producteur au monde, ou ceux qui peuvent investir massivement, ont un avantage décisif. La collecte des huiles usagées est un marché très dispersé, qui nécessite de passer de multiples accords avec les bons fournisseurs et d'avoir une logistique de pointe. Celle des déchets forestiers est, elle, quasi inexistante. Et c'est la disponibilité même de ces ressources qui inquiète : les scientifiques se divisent, un peu partout en Europe, pour savoir si les objectifs de production de SAF et de biocarburants sont compatibles avec une gestion viable de la biomasse, convoitée par de multiples industries. Difficile, dès lors, de prendre de tels risques industriels.
 
À la tête du département « biocarburants » chez S&P Global Platts, Sophie Byron pointe la position délicate de l'Europe dans ce contexte. Sa société a constaté que l'évaluation du prix des SAF livrés en Europe « a chuté significativement depuis avril, perdant près de 1.000 dollars la tonne pour atteindre 1.929 dollars le 20 août ». Pendant ce temps, les coûts de production estimés au nord-ouest de l'Europe, en utilisant de l'huile de cuisson usagée comme matériau primaire, « ont évolué entre 2.000 et 2.150 dollars la tonne ». Sachant qu'une tonne de kérosène classique se situe autour de la moitié…
 
Ironie de l'histoire : c'est pourtant en Europe que la demande pour les SAF est assurée de décoller. Car l'Union européenne, avec son règlement baptisé « RefuelEU », a fixé un calendrier ambitieux relatif aux quotas de SAF qui devront, à l'avenir, être incorporés dans le carburant des avions décollant du Vieux Continent. La première marche, à 6 % en 2030, semble accessible. Mais il faudra être à 20 % en 2035… et 70 % en 2050.
(...)
Encore faudra-t-il être compétitif. Or, pendant ce temps, les États-Unis ont opté pour une tout autre approche : un « SAF grand challenge » qui s'inscrit dans le cadre du célèbre Inflation Reduction Act. Il consiste à inonder le marché de subventions pour faire décoller la production nationale… en visant des niveaux deux fois supérieurs à l'Europe en 2030. « Comme souvent, les Américains ne sont pas moins ambitieux, mais ils utilisent la carotte pendant qu'on manie le bâton », soupire un industriel.
 
Pour les compagnies aériennes, la différence d'approche pourrait avoir des conséquences sonnantes et trébuchantes. Le délégué général de la Fédération nationale de l'aviation et de ses métiers (FNAM), Laurent Timsit, a fait les comptes : « En moyenne, le SAF aux États-Unis pourrait coûter 1,5 à 2 fois plus cher que le kérosène, alors qu'en Europe on constate au moins un triplement du prix. »
 
Avec une concurrence intense pour l'accessibilité à la biomasse, mieux vaut ne pas tabler sur une baisse des cours : le prix des biocarburants pour l'aérien repose « à 70 % environ sur la matière première agricole », estime Sophie Byron. Le tout, dans une industrie dont le carburant représente au bas mot 30 % des coûts d'exploitation, et dont les marges nettes évoluent autour de 3 %.
 
Bruxelles s'est encore davantage singularisée en incluant, dans son « RefuelEU », une montée en puissance obligatoire des carburants synthétiques : ils devront représenter un tiers des SAF en 2050. Or, selon Laurent Timsit, les carburants de synthèse « seront, dans un premier temps, entre 5 et 8 fois plus chers que le kérosène ».
 
Produire des e-fuels nécessite, en effet, une quantité gigantesque d'électricité. « La moitié de l'électricité allemande » pour la seule compagnie Lufthansa, selon son patron, Carsten Spohr, qui juge irréalistes les objectifs de l'UE en matière de SAF. Là encore, le différentiel avec d'autres régions du monde, aux coûts inférieurs, risque de se faire durement ressentir. D'autant plus qu'une autre concurrence menace : celle des compagnies aériennes du golfe Persique et de la Turquie.
(...) 
L'attentisme plus général affiché, ces derniers mois, par de grandes compagnies pétrolières n'augure rien de bon. Certaines ont bien passé des contrats d'approvisionnement de SAF, mais ceux-ci vont nécessiter l'adaptation de leur outil productif. Ces investissements impliquent donc de signer des contrats de long terme. « La clé, c'est de trouver des acheteurs qui vont sécuriser des volumes sur plusieurs années, juge Jean-Philippe Héraud, responsable du programme biocarburants et e-fuels à l'Ifpen. Air France sur les SAF, tout comme Maersk dans le maritime, peuvent faire bouger le marché. » Certains contrats seraient d'ailleurs en passe d'être signés.
(...) 
Chez l'ONG Transport & Environnement, Jo Dardenne estime que le flottement des géants de l'énergie pourrait s'expliquer en partie par une stratégie consistant à « attendre que le marché du SAF peine à se déployer, ce qui pousserait l'Europe à réviser ses critères et à éventuellement élargir le nombre de matières premières éligibles à leur élaboration ».
(...) 
Un point met tout le monde d'accord : il va falloir investir massivement. À ce stade, comme le prédit Sophie Byron chez S&P Global Platts, « nous anticipons une production sous-dimensionnée pour le marché européen après 2030 ». « En termes de production, la pente est tellement raide qu'il va falloir que tout le monde s'y mette », alerte Laurent Timsit.
 
Mobilisation générale
Jo Dardenne estime qu'avec tous les projets annoncés en Europe en matière de carburants synthétiques, « il y aurait largement de quoi atteindre les objectifs de 2030 ». Mais elle déplore… qu'aucun des projets en question « n'ait fait l'objet d'une décision finale d'investissement ». De fait, « une large part de la production de carburants synthétiques reste à ce stade spéculative », confirme Sophie Byron.
(...) 
Réunir autour d'une même table des filières distinctes, impliquer les acheteurs dans la production de SAF : seule une mobilisation générale de tout l'écosystème, public et privé, permettra de relever le défi de l'aviation propre en Europe.

Mon commentaire : Lorsqu'un groupe industriel ou des investisseurs envisagent la construction d'une unité de production, ils évaluent le retour sur investissement en tenant compte des dépenses en capital (CAPEX, capital expenditure) et des dépenses opérationnelles (OPEX, operational expenditure).

Les CAPEX incluent les immobilisations, le matériel, les véhicules et les bâtiments, tandis que les OPEX concernent les coûts directement liés au fonctionnement au fil de l’eau.

Les groupes pétroliers sont réticents à investir massivement dans les technologies actuelles de fabrication de carburants d'aviation durables (CAD en français, SAF en anglais), car celles-ci sont susceptibles d'évoluer dans les années à venir. Il existe un risque que de nouvelles ressources plus accessibles rendent les investissements initiaux obsolètes.

Un autre défi majeur est le manque de compétitivité des producteurs européens de carburants d'aviation durables par rapport à leurs homologues internationaux. La Commission Européenne impose des obligations réglementaires strictes aux compagnies aériennes européennes, sans toutefois fournir les aides ou les moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs.

Si aucune mesure n'est prise, il sera difficile, voire impossible, pour les compagnies aériennes de respecter l'objectif d'incorporer 20 % de carburants d'aviation durables d'ici 2035. Les acteurs du secteur aérien appellent donc les instances européennes à fournir davantage de moyens pour la recherche, ainsi que des aides et incitations financières et fiscales, afin de créer un modèle économique viable pour la filière de production et les compagnies aériennes.

Actuellement, des négociations sont en cours à Bruxelles pour désigner les prochains dirigeants en charge des transports. Le mois dernier, l'eurodéputée grecque Eliza Vozemberg, du parti de centre droit Nouvelle Démocratie (Parti populaire européen, PPE), a été élue présidente de la commission des Transports (TRAN) du Parlement européen. La nomination du prochain Commissaire aux Transports est également attendue, la Grèce se positionnant pour cette fonction.

Ces nouveaux décideurs seront rapidement sollicités et devront élaborer au plus tôt une stratégie pour une aviation durable en Europe.

> Thomas Juin (UAF) : « Il n'y a aucune vision de l'État sur l'avenir des aéroports de proximité »

(source La Tribune) 9 septembre 2024 - LA TRIBUNE - Depuis la reprise, plusieurs aéroports de taille moyenne sont loin d'avoir recouvré leur niveau d'activité de 2019. Certains ont perdu le tiers de leur trafic comme Brest, voire la moitié comme Clermont-Ferrand ou même les deux tiers comme Metz-Nancy. Bien reparti, Toulon a même lourdement rechuté l'an dernier. Comment expliquer de telles dégringolades alors que le trafic aérien national est en croissance ?
 
THOMAS JUIN - Le trafic des aéroports français est en progression depuis la reprise post-crise sanitaire. Mais derrière ce résultat global, les situations sont contrastées. Certains aéroports progressent vite, voire très vite, tandis que d'autres sont à la peine. Ce n'est pas tant lié à la taille des aéroports qu'à leur structure de trafic. C'est la combinaison de trois facteurs : l'évolution des déplacements professionnels, le retrait d'Air France et la dominante de trafic domestique de certains aéroports.
 
Sur les habitudes de voyages professionnels, depuis la crise sanitaire, nous sommes sortis du concept aller-retour dans la journée et il y a eu l'explosion du télétravail. Cela a entraîné un changement structurel de la demande de déplacements professionnels et a fait évoluer l'offre des compagnies dans le même temps.
(...) 
Les aéroports avec une forte composante domestique - souvent un trafic affaires qui était opéré par Hop! - sont clairement plus impactés que les plateformes tournées vers le trafic loisir et les destinations internationales. En 2023, le trafic domestique était en recul de 21% par rapport à 2019, contre 3% pour l'international. C'est finalement la consécration du modèle low-cost sur les segments court et moyen-courrier, qui monte en puissance depuis la crise sanitaire. Le transfert d'Air France vers Transavia le démontre bien.
 
Quel est l'état de la menace pour ces aéroports ? Risquent-ils de disparaître du paysage ?
 
Je ne le pense pas. Les aéroports de proximité sont adossés aux collectivités territoriales, et aucune ne semble prête à prendre la décision de fermer son aéroport. Mais, même si je ne crois pas à des fermetures, il y a une fragilité évidente des aéroports « intermédiaires de proximité », situés entre 100.000 et 1 million de passagers, dont le marché est moins fort que celui des grandes plateformes régionales. Plus vous êtes petit, plus vous dépendez d'une ou de quelques compagnies.
 
La stratégie doit clairement évoluer. Et il faut du temps pour reconstruire un trafic, cela prend plusieurs années.
 
Il faut penser une stratégie pertinente, l'accorder avec celles des compagnies qui doivent elles-mêmes composer avec leur disponibilité avions, leurs commandes... Il faut davantage se poser la question des conditions de reconstruction de ces trafics : pour attirer de nouvelles compagnies, il faut être compétitif en termes de taxes et de redevances. D'autant plus dans un paysage dominé par les compagnies low-cost.
 
Aujourd'hui, la plupart des aéroports de cette catégorie intermédiaire sont au plafond, ou presque, du tarif de sûreté et de sécurité.
(...)
C'est quasiment le double du niveau moyen appliqué en France et bien plus élevé qu'en Europe. C'est un boulet pour recréer du trafic.
 
Concernant les aéroports essentiellement reliés à Orly, comme Toulon, Brest et d'autres, la stratégie d'Air France appartient à Air France. Cela se respecte. Pour autant, la destinée d'un aéroport ne doit pas en dépendre. Quand un aéroport régional subit le changement de stratégie d'une compagnie avec la fermeture d'une ligne, il faudrait qu'il puisse disposer durant un laps de temps des créneaux horaires qui étaient alloués à cette ligne afin de pouvoir démarcher d'autres opérateurs.
(...) 
Quelles sont les solutions possibles ? Ne faut-il pas réduire le nombre d'aéroports pour garantir leur pérennité ?
 
Le maillage aéroportuaire français est un actif et un atout pour le pays, qu'il faut préserver. Les aéroports apportent beaucoup de valeur aux territoires, avec des services publics, des activités économiques, de la formation, de la production d'énergie... Il y a aussi de nouveaux usages qui vont apparaître à l'horizon 2030 avec l'aviation régionale bas carbone, qui opérera en hybride-électrique sur de courtes distances, et des taxis aériens.
(...) 
Depuis l'échec des assises du transport aérien (en 2018, Ndlr.), il n'y a aucune vision de l'État sur l'avenir de ces aéroports de proximité, pourtant essentiels, et les réformes nécessaires pour bâtir une activité favorable pour les territoires. Que ce soit pour établir un cadre fiscal national qui leur permette de se reconstruire, ou pour le devenir des lignes de service public bouleversées par la crise sanitaire. Les enjeux liés à l'environnement, qui sont réels, sérieux, amènent des débats sans nuances qui empêchent aujourd'hui d'engager une réflexion sur l'avenir de ces aéroports.

Mon commentaire : Thomas Juin souligne l'absence de vision de l'État pour les aéroports de proximité. Mais qu'en est-il des aéroports parisiens, à commencer par Roissy Charles de Gaulle ? Le Journal de l’Aviation du 25 juillet dernier écrivait :

« Le gestionnaire des aéroports de Paris vient certes d'augmenter ses redevances, mais aucun des trois derniers ministres des Transports n'a donné une quelconque direction à suivre, et encore moins l'ombre d'une priorité, quant à l'évolution future de la plateforme de Roissy. »

Le rapport de 2023 sur le maillage aéroportuaire français indique une forte présence des compagnies à bas coûts sur les aéroports dits "intermédiaires"  

2019_aeroports_intermédiaires

==== début de citation du rapport
L'omniprésence des compagnies à bas coûts crée un déséquilibre dans les négociations avec ces aéroports. Ces compagnies aériennes tirent les redevances et les charges vers le bas. Les collectivités territoriales se voient souvent contraintes de verser des subventions pour les attirer, malgré les risques juridiques importants et les condamnations régulières par la Commission Européenne.

Le manque de coordination entre les parties prenantes (collectivités territoriales, syndicats et sociétés d’économie mixte) aggrave le rapport de force défavorable des aéroports face aux compagnies aériennes à bas coûts.

Il apparaît donc urgent que les pouvoirs publics se saisissent du sujet des aéroports de proximité, mais aussi des aéroports parisiens, en fait qu’il y ait une véritable stratégie nationale.
==== fin de citation


Fin de la revue de presse

> Évolution du cours de l'action Air France-KLM

L'action Air France-KLM est à 8,156 euros en clôture vendredi 13 septembre. Elle est en hausse cette semaine (+1,32%).

Elle était à 12,53 euros le 2 janvier 2023, à 17,77 euros le 19 juin 2023.

La moyenne (le consensus) des analystes à 12 mois pour l'action AF-KLM est à 10,36 euros
(elle était à 15,0 euros début janvier 2023). L'objectif de cours le plus élevé est à 17,50 euros, le plus bas à 8 euros.

Je ne prends en compte que les opinions d'analystes postérieures au 1er juillet 2023.

Vous pouvez retrouver sur mon blog le détail du consensus des analystes.

Mon commentaire : Après avoir remonté sensiblement, sans doute suite à l'annonce de la prise de participation effective dans la compagnie aérienne scandinave SAS, le cours de l'action Air France-KLM a peu varié cette semaine.

La moyenne (le consensus) des analystes à 12 mois pour l'action Air France-KLM est à 11,11 euros, en baisse de 3 euros en trois mois.

> Évolution du prix du carburant cette semaine

Le baril de Jet Fuel en Europe est en baisse (-7$) à 88$. Il était à 94$ fin juin 2023, à 79$ avant le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Le baril de pétrole Brent
(mer du nord) est en baisse (-8$) à 71$.

De la mi-février 2022 à fin juillet 2022, il faisait le yoyo entre 100 et 120$. Depuis, il oscille entre 75$ et 99$.

Mon nouveau commentaire : Depuis le depuis de l'année, le prix du baril de pétrole était relativement stable (entre 80 et 90$). Il a chuté cette semaine pour atteindre son plus bas depuis septembre 2021.

Le prix du baril de Jet Fuel en Europe est en baisse régulière, passant progressivement de 120 à 88$. C'est son plus bas cours depuis mai 2022 (date à laquelle j'ai commencé à publier cet indicateur).

L'écart entre le Jet Fuel en Europe et le baril de pétrole Brent a suivi la même trajectoire que le Jet Fuel, se rapprochant de ce qu'il était avant le conflit en Ukraine.

> Gestion des FCPE

Lorsque vous placez de l'argent dans un des fonds FCPE d'Air France, vous obtenez des parts dans ces fonds. Vous ne détenez pas directement d'actions.

Ce sont les conseils de surveillance, que vous avez élus en juillet 2021 pour cinq ans, qui gèrent les fonds et qui prennent les décisions.

Les fonds Partners for the Future, Aeroactions, Majoractions et Concorde ne détiennent que des actions Air France.

Les fonds Horizon Épargne Actions (HEA), Horizon Épargne Mixte (HEM), Horizon Épargne Taux (HET) gèrent des portefeuilles d'actions diverses.

Mon commentaire : Si vous souhaitez obtenir des précisions sur la gestion des différents FCPE Air France, je vous invite à consulter mon site navigaction, rubrique L'actionnariat salarié Air France-KLM.


Précisions

Ces informations indicatives ne constituent en aucune manière une incitation à vendre ou une sollicitation à acheter des actions Air France-KLM.

Vous pouvez réagir à cette revue de presse ou bien me communiquer toute information ou réflexion me permettant de mieux vous informer.

Vous pouvez me poser, par retour, toute question relative au groupe Air France-KLM ou à l'actionnariat salarié...

À bientôt.

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| François Robardet

Représentait les salariés et anciens salariés PS et PNC actionnaires d'Air France-KLM.
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Lors de mon élection, j'ai reçu le soutien de la CFDT et de l'UNPNC
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