N°83, 1er février 2021
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Recapitalisation : mode d'emploi
> Les fonds propres d'une entreprise
Précisions sur les fonds propres : (évoquées dans ma lettre 778, source : droit-finances_com)
Les fonds propres sont un
terme issu du langage comptable et financier qui désigne les capitaux
propres apportés par les actionnaires d'une société. Ces fonds propres
sont apportés sous forme de somme d'argent au moment de la constitution
de la société ou ultérieurement. Il peut aussi s'agir des dividendes non
redistribués et laissés à disposition de la société. Le rôle des fonds
propres est double. D'une part, ils servent à financer une partie de
l'investissement. D'autre part, ils servent de garantie aux créanciers
de la société qui acceptent de financer l'autre partie de
l'investissement.
Pour faire simple, le capital social d'une
entreprise représente les fonds apportés lors de sa création. Les fonds
propres sont initialement égaux au capital social. Puis, année après
année, on y ajoute (entre autres) les bénéfices et les pertes.
Lorsqu'une entreprise enchaine les années déficitaires, elle diminue ses
fonds propres.
Dans la situation actuelle, les compagnies
aériennes enregistrent des pertes qui viennent diminuer considérablement
leurs fonds propres.
> Pourquoi recapitaliser ?
Quand les fonds propres d'une entreprise sont inférieurs à la
moitié du capital social, cela signifie qu'elle n'a plus les
moyens de financer ses investissements ou son cycle d'exploitation.
Elle peut alors décider soit de dissoudre l'entreprise soit de
poursuivre son activité pendant deux ans (c'est le maximum
permis par la réglementation) pour lui laisser le temps de reconstituer
ses fonds propres.
Pour la deuxième solution, la société peut
effectuer une augmentation de capital, soit trouver des solutions
permettant
de dégager des profits suffisants pour atteindre le niveau de fonds
propres précédent (source journaldunet)
> Recapitalisation
par augmentation de capital : exemple de Lufthansa (DLH)
Fin mai 2020 (voir ma lettre 758) un accord était trouvé entre Berlin
et Bruxelles pour le plan de sauvetage de Lufthansa, à hauteur de 9
milliards d'euros. Il comportait un volet de recapitalisation de 6 milliards d'euros.
Dans un document public (presscorner/detail/fr/ip_20_1179), la Commission Européenne détaille
ce plan :
La mesure de recapitalisation allemande
L'Allemagne a notifié à la Commission, au titre de l'encadrement
temporaire, une recapitalisation de DLH [Lufthansa] à hauteur de 6 milliards €. Le
plan comprend: (i) une participation au capital de 300 millions € par
la souscription de nouvelles actions par l'État, ce qui correspond à 20
% du capital social de DLH [Lufthansa] ; (ii) une participation tacite de 4,7 milliards € qui a les
caractéristiques d'un instrument de fonds propres non convertible; et
(iii) une participation tacite de 1 milliard € qui a les
caractéristiques d'un instrument d'emprunt convertible;
> Contreparties à l'opération de
recapitalisation
de Lufthansa
De nombreuses contreparties ont été imposées à Lufthansa. Sept
d'entre elles sont présentées dans le document de la Commission
Européenne
(i) Conditions relatives à la nécessité, au caractère
approprié et à la taille de l'intervention: La mesure ne
dépassera pas le minimum nécessaire pour garantir la viabilité de DLH et
rétablir la situation de fonds propres qui était la sienne avant la
pandémie de COVID-19. Lors de l'évaluation de la proportionnalité de la
mesure de recapitalisation, la Commission a pris en compte les besoins
de fonds propres et de liquidités de DLH au niveau du groupe.
- (ii) Conditions relatives à l'entrée de l'État dans le capital des
entreprises et à la rémunération: L'aide à la
recapitalisation permettra d'éviter l'insolvabilité de DLH, qui aurait
de graves conséquences sur l'emploi, la connectivité et les volumes du
commerce extérieur de l'Allemagne. L'État recevra une rémunération
appropriée pour l'investissement, et des mécanismes supplémentaires sont
prévus pour inciter DLH à racheter la prise de participation de l'État
et les participations tacites. - (iii) Conditions
relatives à la sortie de l'État du capital des entreprises concernées:
L'Allemagne a présenté un plan d'entreprise élaboré par DLH
visant à rembourser, d'ici 2026, tant le prêt que les instruments de
recapitalisation. L'Allemagne s'est également engagée à élaborer une
stratégie de sortie crédible dans un délai de 12 mois à compter de
l'octroi de l'aide, à moins que l'intervention de l'État ne soit ramenée
à un niveau inférieur à 25 % des fonds propres d'ici là. En présence de
doutes quant à la sortie de l'État six ans après la réception de l'aide
à la recapitalisation, un plan de restructuration de DLH sera notifié à
la Commission. - (iv) Conditions relatives à la
gouvernance: Jusqu'à la sortie complète de l'État du
capital, DLH est soumis à une interdiction de dividendes et de rachats
d'actions. En outre, tant qu'au moins 75 % de la recapitalisation ne
sont pas remboursés, une limitation stricte de la rémunération des
membres de leur direction s'applique, y compris une interdiction du
versement de bonus. Ces conditions visent également à inciter DLH et ses
propriétaires à racheter les actions détenues par l'État dès que la
situation économique le permet. - (v) Interdiction des
subventions croisées et des acquisitions: Pour faire en
sorte que DLH ne bénéficie pas indûment des aides à la recapitalisation
octroyées par l'État au détriment de l'exercice d'une concurrence
équitable dans le marché unique, il lui est interdit d'utiliser les
aides pour soutenir des activités économiques de sociétés intégrées qui
se trouvaient en difficultés financières avant le 31 décembre 2019. En
outre, tant qu'au moins 75 % de la recapitalisation ne sont pas
remboursés, il est en principe interdit à DLH d'acquérir une
participation supérieure à 10 % chez des concurrents ou d'autres acteurs
de la même ligne d'activité. - (vi) Engagements visant à
préserver l'exercice d'une concurrence effective: DLH, qui
bénéficiera d'une mesure de recapitalisation de plus de 250 millions
d'euros, détient un pouvoir de marché significatif sur les marchés
concernés où elle exerce ses activités. Avant la pandémie de COVID-19,
ses aéroports pivots de Munich et de Francfort étaient saturés, avec
pour effet qu'elle ne disposait pas de suffisamment de créneaux
d'atterrissage et de décollage. Par conséquent, conformément aux
exigences de l'encadrement temporaire, des mesures supplémentaires
visant à préserver l'exercice d'une concurrence effective s'imposent. Il
s'agit de la cession de jusqu'à 24 créneaux par jour dans les aéroports
pivots de Francfort et de Munich et d'actifs supplémentaires connexes
afin de permettre aux transporteurs concurrents de baser quatre aéronefs
maximum dans chacun de ces aéroports. Ces mesures permettraient une
entrée ou un élargissement viables des activités d'autres compagnies
aériennes dans ces aéroports, au bénéfice des consommateurs et d'une
concurrence effective. - (vii) Transparence publique et
information: DLH devra publier des informations sur
l'utilisation des aides reçues, y compris sur la manière dont les aides
reçues soutiennent les activités de l'entreprise, conformément aux
obligations nationales et aux obligations de l'UE en matière de
transformation écologique et numérique.
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